Le vrai et le faux : inhibition et spontanéité.

Il sait ce qu’est la dénégation, faire représenter une pulsion et son antagoniste, comme Freud, avec ses moyens à lui que sont le jeu et l’improvisation. « Ce n’est sûrement pas ma mère ! », dit le patient de Freud. Ah bon ? Pourquoi donc sûrement ? allons-y voir. « J’encourageais l’imperfection en vue d’arriver à une spontanéité totale. (…) Mais l’art sincère de vivre le moment présent, ici et maintenant est encore une utopie. », explique de son côté Moreno5, qui est conscient que ‘çà résiste’ toujours, quelque part. Il pense, différemment de Freud qui lui parle de levée du refoulement, que cette « spontanéité totale » sera vaincue « à force », par la force de l’entrainement. Pourtant, la levée de l’inhibition grâce au jeu de la pulsion antagoniste peut être spectaculaire. Au risque, d’assimiler le vrai au spontané, et le faux à l’inhibition …
 
Moreno se plaisait à raconter l’histoire de la jeune Barbara qui jouait avec tant de talent les belles romantiques, les princesses, les infirmières et religieuses dévouées, qu’un auditeur assidu en tomba amoureux et l’épousa, pour découvrir ensuite combien elle était coléreuse et difficile à vivre, et de s’en plaindre à Moreno. … Qui eut alors cette idée lumineuse : faire jouer à Barbara, pour une fois, l’histoire d’une prostituée, assassinée dans des circonstances crapuleuses (idées venant d’un fait divers) : on vit alors la belle, la douce, la charmante Barbara, comme le raconte Anne Ancelin6, hurler des injures, jurer comme un charretier, avec les plus gros mots dont on n’aurait pas imaginé qu’elle puisse connaître le sens, se débattre, crier, être trainée par les cheveux … sous les applaudissements du public … ; et le lendemain son jeune amoureux de mari est venu dire à Moreno, qu’après cela, après cette catharsis de l’acteur, Barbara avait été charmante. Moreno poursuivit le traitement, et la mégère fut apprivoisée. Belle histoire.
 
« Le jeu de rôle à thème, à scènes de vie jouées spontanément au théâtre, le psychodrame était né, la catharsis de l’auditoire devenait aussi la catharsis de l’acteur en situation, jouant tantôt un rôle et tantôt les multiples rôles et situations de sa vraie vie », poursuivait Anne Ancelin.