Quelle réalité joue-t-on en psychodrame ?

Introduction à la journée d’études du 19 mars 2011
 
 
Il y a longtemps, un peu désespéré de ne trouver guère de panache à l’ordinaire des jours, j’avais été enthousiasmé par le coup de projecteur soudain de ce sociologue, philosophe, peu ordinaire, Henri Lefebvre, qui, en 1948 (puis en 1958, et 1967) publia : « La parole quotidienne ». Maurice Blanchot en fit une présentation dans  son livre « L’Entretien Infini » paru en 1969, avec son ton bien à lui : « Le quotidien : ce qu’il y a de plus difficile à découvrir. » Il m’a semblé que l’on faisait un pas dans la réalité, celle qui intéresse autant le psychodramatiste que le psychanalyste, et tout un chacun.
 
Le quotidien, « c’est ce que nous sommes en premier lieu et le plus souvent : dans le travail, le loisir, dans la veille, le sommeil, dans la rue, dans le privé de l’existence. Le quotidien, c’est donc nous-mêmes à l’ordinaire ». « À ce stade ,» L. Lefebvre n’est pas marxiste pour rien : « (…) le quotidien est comme sans vérité propre : le mouvement sera alors de chercher à le faire participer aux diverses figures du Vrai, aux grandes transformations historiques, au devenir de ce qui se passe en bas (changements économiques et techniques) soit en haut (philosophie, poésie, politique) ». « (d’)ouvrir le quotidien sur l’histoire ou encore (de) réduire son secteur privilégié : la vie privée. Ce qui arrive dans les moments d’effervescence - ceux qu’on appelle révolution - quand l’existence est de part en part publique. » -1-
 
Vous voyez immédiatement que nous, nous allons nous centrer sur la vie privée, lui donner toute sa place, avec les effluves, les échos des événement historiques, de ce qui s’en ressent en chacun. Vif et ancien débat, entre psychanalyse et marxisme. Conditions historiques / fantasme, trauma / désir inconscient. Nous nous intéressons à la réalité dans sa prise inconsciente. 
 
C’est de cet homme en effet, à la fois enfoncé dans le quotidien et privé du quotidien, dont nous nous occupons, parce que c’est à partir de là qu’il vient nous parler. Nous tablons sur la vie quotidienne parce qu’elle n’est pas une grisaille univoque : « Le quotidien, c’est la platitude (ce qui retarde et ce qui retombe, la vie résiduelle dont se remplissent nos poubelles et nos cimetières, rebuts et détritus), mais cette banalité est pourtant aussi ce qu’il y a de plus important, si elle renvoie à l’existence dans sa spontanéité même et telle que celle-ci se vit, au moment où, vécue, elle se dérobe à toute mise en forme spéculative, peut-être à toute cohérence, toute régularité. », poursuit Maurice Blanchot lisant Henri Lefebvre. -2-
 
Ainsi, ne disqualifiant pas le quotidien, l’ordinaire, nous privilégions ce que vit le patient, sans en rajouter, de fantasmatisation, de fantaisie, artificiellement construites. Le quotidien est notre site, notre sol. Il passe pour rébarbatif, répétitif souvent. Il est certes souvent massif, opaque, mais c’est qu’il est en attente de parole, et qu’il est, aussi, toujours double, comme le dit Maurice Blanchot.
 
Dans le quotidien s’affirme, « la profondeur de ce qui est superficiel, la tragédie de la nullité. Toujours les deux côté se retrouvent, le quotidien avec son côté fastidieux, pénible et sordide (l’amorphe, le stagnant), et le quotidien inépuisable, irrécusable et toujours inaccompli et toujours échappant aux formes et aux structures (en particulier celles de la société politique (…) » 
« Quels que soient ses aspects, (il) ne se laisse (donc) pas saisir. Il échappe. Il appartient à l’insignifiance, et l’insignifiant est sans vérité, sans réalité, sans secret, mais est peut-être aussi le lieu de toute signification possible. Le quotidien échappe. (…) C’est l’inaperçu, (…) car, par un autre trait, le quotidien, c’est ce que nous ne voyons jamais une première fois, mais ne pouvons pas revoir, l’ayant toujours déjà vu par une illusion qui est précisément constitutive du quotidien. » -3- Voilà en somme l’espace, pourrait-on dire, dans lequel, à partir duquel, le psychodrame va se dérouler : espace, et temps de reprise, pour ce qui nous a échappé, s’est enfermé ou répété.
 
Revisiter, visiter enfin, pour la première fois, des pans fragmentés ou entiers de notre histoire, c’est, à la base, l’élan que Freud et Moreno nous ont communiqué. (transfert pour l’un, réalisation symbolique pour l’autre) : nous allons (re)voir, en faisant vivre sur la scène des situations qui apparaissaient n’appartenir à personne, dans lesquelles jusque là, le protagoniste semblait ne pas se reconnaître. Des moments d’existence de chacun seront mis en scène, qui seront autant de versions des situations représentées. Là encore, pourquoi faudrait-il tenir à distance ce quotidien, ce vécu, dont chacun fait le récit? 
 
N’est-ce pas pour sa dimension rebutante, apparemment banale et ingrate, ennuyeuse et sans éclat ? Un quotidien sans panache, en regard des fantaisies de l’imaginaire. Par ailleurs, apparaîtrait l’idée que parler de soi, en direct, (jouer une scène vécue) ne pouvait être réservé qu’au colloque singulier avec un analyste.
 
Moreno et Freud commencent au même endroit, même si pour l’un c’est dans les jardins de Vienne, et pour l’autre dans son cabinet, à l’intérieur. Tous deux reçoivent, sollicitent, la vie pulsionnelle de ceux qui viennent à eux, dans leur quotidienneté. Ils sont mobilisés par le quotidien du symptôme, de la plainte, du malheur, de l’exaspération. Bien entendu ils ne vont pas traiter les choses identiquement ! Freud dit : « wo es war, soll ich werden. » (là où c’était, le je dois advenir),  pendant que Moreno, ne se préoccupe en rien d’une quelconque levée de refoulement, et en appelle à la spontanéité, à se rebeller contre la répression, « ouvrez les boîtes de conserve culturelles ». Il invente et promeut, le théâtre spontané.
 
Mais l’effet cathartique du théâtre s’exerce aussi dans la cure analytique (le mot de « cure » a toujours été conservé, l’expression anglaise est très parlante, « sweeping by », si on osait l’écrire : un balayage par là à travers, par où çà passe.) La catharsis n’est pas la caricature de ce qui en a été dit : décharge. Sur le divan le patient est acteur de et dans sa parole, comme en psychodrame dans le jeu spontané, où il joue, représente dans une action dramatique théâtrale une réalité, la sienne ailleurs et en un autre temps, dont la présence vivante tient au récit qu’il en a fait d’abord. Réalisation symbolique, représentations.
 
C’est dans le défilé des signifiants, et la parole même du patient, qu’elle opère et se concrétise. Et voilà l’apport essentiel de Moreno : il a imaginé ce passage, de la catharsis de l’acteur, à la catharsis du spectateur. Le patient est mis au centre. 
 
 
 
En cela, le déplacement qu’il opère est analogue à celui de Freud qui laissa l’hypnose et la suggestion pour inviter son patient à parler le plus librement, sans fard. 
 
Il est très intéressant de lire ce que Moreno a écrit de ce passage qu’il a imaginé, l’amenant au psychodrame (4) :
 
« Le locus nascendi (le « lieu de naissance ») véritable du théâtre est le théâtre spontané. Si nous étudions la naissance de toute production dramatique spécifique, nous reconnaissons facilement la structure interne au théâtre. Dans le théâtre rigide, « dogmatique », le produit de la création est donné : il apparaît sous sa forme définitive, irrévocable. La présence de l’auteur ne se fait plus sentir, car son oeuvre est complètement séparée de lui. Son œuvre, dont la création fut l’essence même de certains moments passés, ne revient que pour dépouiller le moment présent de toute créativité propre. (La pièce est déjà écrite). En conséquence, les acteurs ont dû abandonner initiative et spontanéité. Le moment de créativité véritable est désormais passé, ils servent simplement de réceptacles à une création (qui a déjà eu lieu). L’auteur, l’acteur, le metteur en scène et le public conspirent pour donner une interprétation actuelle, qui est mécanique. Ils s’abandonnent au plaisir d’une représentation extratemporelle, située hors de l’instant. La valeur qui leur paraît suprême n’est que la quête spirituelle d’une personne déjà morte. 
En ce sens, la pièce appartient au passé, c’est une réalité vaincue. » (C’est moi qui souligne)
 
Mais arrêtons-nous un instant : du point de vue de la catharsis de l’acteur et de sa création, de sa production, Moreno a raison, cette conception du « moment » est très forte. Quand « La pièce est déjà écrite », … quand la messe est dite, … il n’y a plus rien à dire. Si ce n’est alors de rentrer dans le discours convenu et répéter. Mais sa conception du dispositif théâtral apparaît machinique, nous venons de le voir : « L’auteur, l’acteur, le metteur en scène et le public conspirent pour donner une interprétation actuelle, qui est mécanique .» Comme si la scène de théâtre n’était qu’une chambre des échos, les acteurs comme le metteur en scène réduits à être aux ordres d’un texte. Moreno trouve là la limite de sa conception du psychodrame, comme s’il avait oublié qu’un texte cela s’interprète, dans le sens littéraire et psychanalytique, comme dans le sens théâtral. De même qu’il avait rejeté l’idée de transfert. L’idée de traduction lui déplaît profondément.
 
Moreno est spontanéiste. Il veut ignorer que le théâtre est toujours vivant, même s’il rate par moment son effet, que la jouissance du tragique et la catharsis du spectateur, par identification à l’acteur et au héros, n’est plus à démontrer, dans la représenta-tion même d’une pièce déjà écrite. On a l’impression qu’il veut prophétiser la fin du théâtre. De son côté, Freud au contraire, dans un texte de 1914 : « Personnages psychopathiques sur la scène. », reconnaît au théâtre toute sa force d’expression dramatique dans la levée du refoulement. Il faut le citer un peu longuement, … il en dit long sur le psychodrame :
 
« Si comme on l’admet depuis Aristote le but du spectacle théâtral est d’éveiller « terreur et pitié », d’entrainer une « purification des affects », il est possible de décrire d’une manière un peu plus précise cette visée en disant qu’il s’agit de laisser jaillir de notre vie affective des sources de plaisir ou de jouissance (…) » Et plus loin :
 
 
 
« Le spectateur vit trop peu, il se sent comme le « Misero, auquel rien de grand ne peut arriver », il y a longtemps qu’il a du étouffer, ou plutôt déplacer l’ambition qu’il nourrissait pour son moi de se sentir au centre des rouages du monde, il veut sentir, agir, façonner toutes choses à sa guise, bref il veut être un héros, et c’est ce dont les poètes dramatiques lui donnent la possibilité en autorisant son identification à un héros. » (…) « Dans de telles conditions il peut jouir de lui-même comme d’un « Grand », se livrer sans craintes à des impulsions réprimées (comme le besoin de liberté du point de vue religieux, politique, social et sexuel) et se donner libre cours en toutes directions, dans ces grandes scènes de la vie représentée qui sont à l’écart de la vie même. » 
 
 « À l’écart de la vie même », a écrit Freud, qui poursuit : « La condition de l’attention détournée paraît la plus importante des conditions formelles qui entrent ici en ligne de compte. », « (…) l’auditeur, (…) est pris par les sentiments au lieu de se rendre compte. » Freud ne mise pas tout sur l’effet de purification. La catharsis, pour lui, est au service de l’apparition des représentations inconscientes. C’est la réalité psychique de « la vie même » du patient qui importe.
 
Et remontant le fil de la littérature et du théâtre, après (!) le théâtre grec, il faudrait  visiter le 18è siècle, où l’on voit Goethe, en même temps et à la suite de beaucoup d’autres, s’intéresser aux troubles psychiques de la personnalité. Dans « Le récit auto-biographique », Poésie et Vérité, qui a beaucoup inspiré Freud, le mot de psychodrame aurait pu être trouvé.  Goethe emploie l’expression ‘traitement psychique’.  Il créa un personnage, Lila -5- , une jeune femme prise de troubles hallucinatoires, dont il inventa le traitement par la représentation dramatique de ses hallucinations et désarrois existentiels. Moreno se reconnut, dans cette visée de Goethe, pré - freudienne : écoutons ce que nous dit le patient, cette femme; nous allons représenter ce qui la tourmente.  
 
Goethe écrivait : « La meilleurs façon de réaliser un traitement psychologique consiste à donner à la folie une place dans le traitement, afin d’arriver à la guérison. » En 1818, dans une lettre au directeur du Théâtre Royal, -on se reconnaît dans son propos : « La pièce de « Lila » est, en fait, un traitement psychologique, où on permet à la folie de venir sur le devant de la scène (avec tout ce qui l’accompagne, même en l’intensifiant) afin de la soigner. » - 5 - Il s’agit bien, avant l’heure, de cette « réalité psychique tierce », celle qui nous intéresse. 
 
Là même où les chemins de Moreno et de Freud se séparent. Pour le premier, si le patient est bien au centre, comme pour Freud, ce n’est pas comme analysant, mais comme « apprenti à vivre mieux », apprenti à une libération de ses inhibitions que sont les « conserves culturelles ». C’est l’idée de répression qui domine, et non de refoulement. Pour le sujet morénien, pas d’au delà du principe de plaisir. Pendant que Freud dit : la guérison par surcroît, et invente le concept de pulsion de mort.
 
Mais dans l’invitation à improviser, à partir de notre texte à chacun, nous sommes avec Moreno. La réalité est une fenêtre par où l’on voit au de-là, et en soi - à ses pieds dans les terrains vagues comme vers le ciel, où son désir va gratter, ou sur les places, les balcons, dans les chambres etc. La réalité renvoie à l’idée d’un espace 
 
 
 
réduit ou d’un temps restreint, vu d’un coup d’œil ; vue d’un instant, d’un éclair, quelque chose qui survient. C’est la catégorie du moment (ou de l’événement), le « locus nascendi » de l’œuvre d’art ou du jeu. Ce que Moreno a inventé avec le « Théâtre Spontané »  - et que l’on appelle, dans la situation analytique, la parole transférentielle et l’amour de transfert. 
 
Ainsi, c’est de réalité psychique dont il est question et à quoi, pour notre pratique, le psychodrame fait droit, et qui constitue la base du texte de chacun : ce qui lui est arrivé, et lui arrive à chaque instant. Car c’est elle qui constitue notre identité même, notre intériorité ; qui nous permet de nous vivre dans la continuité même de notre être, résistante et plus consistante que la réalité extérieure. Elle est faites de nos désirs inconscients et de nos fantasmes. Cette réalité psychique pourra même être perçue par nous comme une réalité externe, avec la même consistance et la même cohérence que la réalité externe, voir avec la même étrangeté que cette réalité externe -7- (33 Mots sur le Divan.) 
 
Jean-Luc Nancy, parlant de l’invention freudienne, nomme cette réalité :
 
« (…) Il n’y a pas de « découverte » freudienne et l’ « inconscient » n’est pas un organe. Mais il y a bel et bien une invention : celle d’un récit. Là où l’homme était raconté venant d’un créateur ou bien d’une nature, là où il était promis à une vie céleste ou bien à la survie selon l’espèce, là même s’introduit une autre provenance et 
destination. L’homme vient d’un élan ou d’une poussée qui le dépasse – qui dépasse en tous cas de beaucoup ce que Freud désigne comme le « moi ». -8- Nous sommes renvoyés au mystère de l’origine, de laquelle notre conscience est soustraite, mais dont nos pulsions sont la force. 
 
On retrouve ce mouvement, du théâtre, au psychodrame : là où j’étais raconté, je me raconte et je joue ce qui m’est arrivé. Et nous sommes là, très éloignés de Moreno, qui ne s’intéressait pas aux trajets, du présent, au passé, et retours. 
 
Deux séances, l’une individuelle, l’autre en groupe de psychodrame, pour illustrer l’ordinaire :
 
- « Je suis allée me promener le long du Rhône, sans mon chien. », me raconte A, « J’ai fait des courses, la cuisine. Oui je suis allée me promener seule, sans mon chien, parce que il y a trop d’autres. Donc j’ai peur …d’être avec lui où il peut courir, plutôt… » Ce chien ne représente-t-il pas la « poussée » absente, la perte de l’élan chez A.?
 
Puis elle raconte un rêve : « Je prenais le bus, … c’est tout. »
 
Où vous emmènerait-il ? « Je sais pas, j’ai pas su. J’y ai pas vu dans le rêve. 
J’ai juste vu que j’avais pas / qu’il n’y avait pas de valise. Juste çà : je me rappelle pas s’il y avait quelque chose dedans. /çà n’y est pas (dans le rêve). »
 
« C’est au réveil que je me dis que peut-être je pars au Portugal. » Son pays d’origine, qu’elle a quitté il y a près de 40 ans. Et, silence.
 
 
À quoi pense-t-elle ? « oh ! rien de bien important, de quels bus, / de comment, / mes transports je vais prendre. (…) » Elle finit par me dire que si elle rate le bus de 10h 5 elle devra attendre 1 h le suivant. Ce qu’elle n’osait me dire. Pour rentrer chez elle. Transports ? destination inconnue ? vers quelqu’un ? être transportée ? « Oui je pensais pas à çà . » Sous-jacent : sa terreur de rester sur le quai. Le seul transport, la seule poussée, serait pour le Portugal ? Cette séance indique la portée d’une réalité d’un instant, celui d’une attente qui n’ose pas dire son nom, évoquée sans apprêt fantasmatique, dans le dénuement. L’ordinaire, pour cette patiente.
 
- Dans une séance, en groupe (didactique), on reprend, c’est le matin. Colline, une participante arrive un peu essoufflée ; elle a attendu longtemps à l’arrêt du bus pour venir. Elle décrit cette attente, cette station, et le spectacle de la dizaine de personnes qui attendent comme elle. Il est question des relations mère-fille difficiles, suite à la dernière fois. « Je pense à l’envahissement de ma mère, » dit quelqu’un. Çà lui dit quelque chose, à Colline, « oui ces moments de haine.. », mais ce n’est pas de cela dont elle veut parler :
 
« En fait ma question est, qu’est-ce que j’ai ressenti en voyant les gens à l’arrêt du bus tout à l’heure ? Énervée, en colère, à en pleurer : une mère en cheveux roses, un garçon retardé mental, « Comment l’aime-t-elle ? » Non loin, trois noirs, l’un crachait. Le sol est sale. L’autre téléphone une demie heure, s’est rapproché des filles qui étaient là, ras la touffe, talons aiguille. Le garçon urine sur lui. (…)».  Jeu.
 
Tous les regards sont sur le fils, explique Colline, « Je suis regardée à travers mon fils. 
Ma progéniture. » «Sûr qu’il doit être comme çà dans l’existence, et c’est pas cool. C’est vache de l’avoir laissé sortir avec sa mère tout seuls. » «  J’aurai pu m’asseoir après dans son pipi … » 
 
En même temps, après le jeu : « C’est mon fils, et je l’aime, avec tout ce qu’il est. »
Colline (qui avait parlé de son fils, antérieurement) conclut : Moi finalement je suis triste. Je suis pas bien avec ces gens-là. Ils sont pathétiques. Il y a là un ‘j’en impose, je cherche à faire peur’. Mais là çà n’a pas pris. »
 
Vous voyez comme le quotidien appelle, et parle.
 
Pierre Bourdariat
 
 
Notes :
1- Maurice Blanchot, L’Entretien Infini, ch. XI La Parole quotidienne, P. 355. Éd. Gallimard, 1969.
2- - idem - p. 357. Henri Lefebvre : Critique de la vie quotidienne I, Éd. Grasset1947, Éd. de l’Arche         
    1958, 1962 : Critique de la vie quotidienne II, Fondements d’une sociologie de la quotidienneté.
3- M. Blanchot, - idem - p. 357-358.
4- Jacob L. Moreno, Théâtre de la Spontanéité, , Epi, 1972, (paru en 1924 en   
    allemand, 1947 en anglais), p. 44-45.
5- G. D. Diener, Rapport entre le processus hallucinatoire de la « Lila » de Goethe avec la psychanalyse et le psychodrame, dans Lila de Goethe, Traitement d’une psychose par une cure psychologique, (publié par Athenäum, Francfort s/ le Main, 1971), cité par Moreno, op. cité p. 151.
6- Daniel Calin et Hélène Garrel : 33 mots sur le divan. De Vienne à Paris.

    L’inscription de concepts courants de la psychanalyse
 dans la langue et la culture      
    françaises. Éditions Recherches, p. 258 : la réalité psychique.
7- Jean-Luc Nancy, Revue Poésie, n° 124, éd. Belin, 2008, repris dans L’Adoration  
    (Déconstruction du Christianisme 2), Éd. Galilée, 2010, p. 144.