Jung n’a pas réussi à désirer seulement.

Là  où il était soudain aimé passionnément. Son premier mouvement est de se défausser, de faire l’innocent, après la lettre sans détour de Freud : « Une nouvelle de cette patiente qui vous a appris la gratitude névrotique de la femme dédaignée est parvenue également jusqu’à moi. Muthman (un médecin viennois) lors de sa visite a parlé d’une dame qui s’est présentée à lui comme étant votre maîtresse (…) » (lettre 134). Jung répond la main sur le cœur de son honneur : « Je n’ai vraiment jamais eu de maîtresse, je suis vraiment le mari le plus inoffensif que l’on puisse imaginer. D’où ma grande réaction morale ! Je n’arrive absolument pas à imaginer que cela aurait pu être. Je ne crois pas que ce soit même. J’ai une grande horreur de telles histoires. » (Qu’est-ce qu’une femme doit s’ennuyer avec un mari inoffensif ! Mais surtout, quelle belle ‘vignette clinique’ sur la dénégation.)
 
Freud est prêt à absoudre Jung de ces vifs sentiments pour sa patiente, « mais l’affaire change complètement de nature à ses yeux selon que la séductrice a atteint son but ou non. » (in Alexandre Atkin, Histoire de la psychanalyse en Russie , 1993. 1995 PUF, p. 194) Il conseille à Jung de ne pas aller trop loin dans la contrition : « Pensez, écrit-il, à la belle comparaison de Lassalle sur l’éprouvette qui s’est brisée dans les mains du chimiste : « Avec un léger froncement de sourcils sur la résistance de la matière le chercheur poursuit son travail. » De petites explosions de laboratoires ne pourront jamais être évitées vue la nature de la matière avec laquelle nous travaillons. » (lettre 147)(A. Etkind, pp. 190-194). Nous sommes en mars 1909. Le sang-froid de Freud est étonnant. Pour lui peut importe le destin des femmes ? Non. Il sait qui a fauté : son prince héritier.