Spontanéité et représentation.

En allemand, le « Theater Stegreif, c’est donc le théâtre spontané. Le mot allemand est fait de deux : Steg, passerelle, sentier, et reif , mûr, muri ; Stegreif veut dire, dans un sens ancien : l’étrier. Cela parle du jeu, quand « il faut y aller ! », s’y mettre ! comme : mettre le pied à l’étrier. En allemand on dit : ‘aus dem Stegreif’ pour dire ‘à l’improviste’, ‘improvisé’, ‘sans préparation’. Dans cette petite recherche étymologique, je lis aussi le mot de « Brücke », ‘pont’ ; ‘passerelle’ se disant aussi Stegbrücke. Et l’on se souvient que « Die Brücke » est le nom d’une association artistique, de peintres et d’architectes, fondée à Dresde en 1905. En rupture avec l’art académique, comme Moreno avec le théâtre. Elle fut le ferment le plus actif de l’expressionnisme allemand. 
 
Goethe et Moreno se différencient ainsi sur la modalité de la représentation. Pour Moreno, la spontanéité doit être la maîtresse des lieux. Pendant que Goethe, lui, prépare longuement et minutieusement le psychodrame » de Lila. Le livre clé du premier psychodramatiste est donc « Le Théâtre de la Spontanéité. » La Spontanéité est le nom de scène des pulsions de vie qui auraient largué l’instinct de mort : pour Moreno il n’y a pas de forces inconscientes antagonistes à l’instinct de vie. Beaucoup l’ont réduit à un partisan de la décharge pulsionnelle, alors que ce sont l’imprévu et l’imprévisible qui lui importent, et qui soutiennent son concept de spontanéité, qui consiste à faire jouer les variétés et variations, en point et contre point, du désir. Surtout, pas de texte préétabli ! Totalement dans l’esprit de Pirandello : Ce soir on improvise, Six personnages en quête d’auteur, Moreno défend l’art de l’instant.